PlayStation 3 : le projet machiavélique de Sony

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PlayStation 3 : le projet machiavélique de Sony

Lorsque Shin’ichi Okamoto, le responsable technique de Sony Computer Entertainment, s’était livré à quelques confidences sur la PlayStation 3 lors de la Game Developer Conference, en mars dernier, il faut reconnaître qu’il ne s’était pas montré très convaincant.

‘’La loi de Moore est trop lente pour nous » avait-t-il déclaré (en référence à la loi empirique de Alan Moore, le cofondateur d’Intel, selon laquelle la puissance des processeurs double tous les 18 mois) avant d’annoncer que Sony allait multiplier par 1000 la puissance de calcul de sa prochaine console, par rapport à la PlayStation 2.

Pour arriver à une telle performance, Shin’ichi Okamoto expliquait que Sony s’était tourné vers les travaux d’IBM sur le Grid Computing, une procédure qui consiste à exploiter la puissance de calcul inutilisée d’ordinateurs reliés au réseau internet. Elle est par exemple utilisée par les scientifiques pour résoudre des problèmes qui demandent énormément de puissance de calcul. Mais il était difficile d’imaginer comment la puissance de calcul d’ordinateurs connectés au réseau internet pouvait être exploitée par une console de jeux. La bande passante et le temps de réponse du réseau Internet sont en effet trop faibles pour les jeux, qui requièrent une puissance de calcul quasi instantanée. Et puis qui aurait été disposé à mettre à disposition de Sony sa puissance de calcul libre pour que les possesseurs de PlayStation 3 puissent mieux s’amuser ?

Kenichi Fukunaga, un porte parole de Sony, vient de livrer quelques petites précisions qui permettent enfin de comprendre où voulait en venir le responsable technique de Sony Computer Entertainment.

Le projet de Sony consiste à intégrer des unités de calcul dans divers appareils électroniques domestiques qui pourront être reliés à la PlayStation 3 pour augmenter ses performances. L’idée est par exemple de commercialiser des télévisions ou des chaînes Hi-Fi embarquant des puces spécifiques, compatibles avec cette technologie inspirée du Grid Computing, qui pourraient être connectées à la PlayStation 3 par un réseau domestique haut débit.

‘’Nous avons commencé avec des boites, en faisant faire à ces boites des choses spécifiques, mais si vous avez une puce puissante, vous pouvez ajouter des fonctions à n’importe laquelle de ces boites‘’ résume Kenichi Fukunaga, cité par l’agence de presse Reuters.

Ce concept est extrêmement astucieux. Il permet tout d’abord effectivement de proposer potentiellement une forte puissance de calcul à un prix raisonnable : les contraintes du réseau internet évoquées auparavant, qui jetaient le doute sur les propos du responsable technique de Sony Computer Entertainment, disparaissent, à priori, dans le cadre d’un réseau domestique haut débit. De plus, en répartissant les sources de puissance de calcul sur plusieurs appareils électroniques domestiques, Sony réduit également le coût de la puissance de calcul de sa future console.

Le joueur devra toutefois bien entendu disposer d’appareils électroniques domestiques proposant de telles unités de calcul. C’est là que le concept prend toute sa dimension machiavélique : en tant que géant de l’électronique grand public, Sony est parfaitement placé pour offrir une gamme complète d’appareils électroniques ‘’compatibles PS3’’ pouvant satisfaire toute la demande des consommateurs.

Ce concept se transforme ainsi un argument marketing à double effet. Non seulement, il encourage fortement les joueurs à acheter des appareils électroniques estampillés Sony, offrant un gain de puissance à la Playstation 3, plutôt que ceux des marques concurrentes. Il peut également pousser à la consommation : le gain de puissance d’une console est en effet, pour un joueur, un argument massue. Il pèsera sans aucun doute lourdement en faveur de l’achat d’un appareil électronique qui aurait été jusque là uniquement envisagé …

Deux problèmes de taille relativisent toutefois l’ingéniosité de ce concept : d’une part, la puissance de calcul requise pour les jeux vidéo est telle que les puces qui équiperont les appareils électroniques annexes devront être très puissantes, par comparaison aux puces ‘’classiques’’ qui les équipent déjà. A quoi servira cette puissance lorsque la console sera éteinte, ou, plus simplement, quelle sera son utilité pour ceux qui ne possédent pas de PlayStation 3 ?

Par ailleurs, la puissance de calcul variable de la PlayStation 3 bouscule la définition même de la console de jeu, selon laquelle une console de jeu est une machine fermée, c’est à dire à la puissance de calcul figée. C’est ce qui permet aux développeurs de fixer les limites de leur imagination, et de programmer leurs jeux pour exploiter de manière optimale les capacités de la console.

Quelle sera alors la puissance de référence permettant de définir les jeux réalisables ? Les joueurs disposeront-ils de jeux à la qualité variable selon leur ‘’attachement’’ à l’électronique Sony ? Quoi qu’il en soit, dans la guerre que se livrent Microsoft et Sony pour s’emparer du salon, haut lieu stratégique des loisirs de demain, le géant japonais semble sur le point de se confectionner une arme redoutable.

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